Le diagnostic est sans appel : dépendance aux énergies fossiles et aux importations d’intrants (soja pour l’élevage, engrais azotés pour les cultures), vulnérabilité climatique croissante, émissions représentant 18% du bilan national... Le rapport du Shift Project, "Pour une agriculture bas carbone, résiliente et prospère", ne minimise pas les défis considérables auxquels le monde agricole est confronté. Son "scénario de conciliation" tente d'apporter des réponses équilibrées à ces contraintes parfois contradictoires.
Le rapport détaille plusieurs axes de transformation technique des exploitations. La rotation des cultures et les couverts végétaux permanents permettent de réduire l'érosion et d'améliorer la qualité des sols. L'agroforesterie, combinant arbres et cultures sur une même parcelle, offre des bénéfices multiples : biodiversité accrue, protection contre les aléas climatiques et diversification des revenus. Le Shift Project recommande également une optimisation fine des intrants, notamment des engrais azotés, grands contributeurs aux émissions de protoxyde d'azote. Des techniques de fertilisation de précision et l'utilisation de cultures fixatrices d'azote dans les rotations permettraient de réduire significativement cette dépendance tout en maintenant la productivité.
Une transformation énergétique des exploitations
Le rapport propose un plan de réduction progressive de la dépendance aux énergies fossiles dans les exploitations. La modernisation du parc de machines agricoles, l'isolation des bâtiments d'élevage et le développement de la production d'énergies renouvelables à la ferme (méthanisation raisonnée, photovoltaïque sur toitures) constituent des leviers importants pour diminuer l'empreinte carbone. Le développement de circuits courts et la relocalisation partielle des filières permettraient par ailleurs de réduire les émissions liées au transport, tout en créant de la valeur ajoutée sur les territoires.
Des mesures économiques pour soutenir la transition
Face au constat que « 90% des agriculteurs se disent prêts à s'engager dans la transition écologique mais se heurtent à des obstacles financiers », le rapport propose différents mécanismes :
- Un système de rémunération des services environnementaux rendus par les agriculteurs
- Des prêts à taux bonifiés pour financer les investissements de transition
- Une réforme des aides de la PAC pour mieux valoriser les pratiques vertueuses
- Des contrats pluriannuels sécurisant le revenu pendant la période de transition
Le Shift Project insiste sur la nécessité d'adapter les stratégies aux spécificités locales. Aussi, les solutions pertinentes diffèrent selon qu'on se trouve en zone d'élevage extensif, de grandes cultures ou de polyculture-élevage. Le rapport préconise l'élaboration de plans territoriaux associant tous les acteurs des filières, pour définir des objectifs réalistes et des trajectoires adaptées à chaque contexte.
Dans le rapport de Shift Project, 4 scénarios sont proposés avec un principe immuable : le respect des objectifs de décarbonations du secteur agricole tels que définis dans la Stratégie Nationale Bas Carbone : 48 MtCO2eq à l’horizon 2050 (émissions directes).
Une responsabilité collective à assumer
La transformation du modèle agricole implique des évolutions dans l'ensemble de la chaîne alimentaire. Le rapport souligne la nécessité d'un effort partagé : industriels de l'agroalimentaire, distributeurs et consommateurs ont un rôle majeur à jouer pour valoriser justement les productions issues de pratiques plus durables. La planification territoriale et le renforcement des compétences ne suffiront pas sans un engagement de l'ensemble de la société. Le rapport souligne la nécessité d’une évolution des politiques publiques et des comportements de consommation pour soutenir cette transition agricole nécessaire mais exigeante.
> Pour aller plus loin : theshiftproject.org
Shift Project : kesako ?
The Shift Project est un think tank qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone. Association loi 1901 d’intérêt général et guidée par la rigueur scientifique, il cherche à éclairer et influencer le débat sur la transition énergétique, en France et en Europe. Il se veut force de proposition, avant tout focalisée sur les moyens, pour une transition vers une économie libérée de la dépendance aux énergies fossiles (et donc aux émissions de gaz à effet de serre) et à vocation à proposer des mesures opérationnelles répondant non plus à la question du « pourquoi » mais à celle du « comment ».