"Il faut arrêter de penser et de dire que l'agriculture est un problème, alors qu'en réalité, les agriculteurs sont la solution !" a déclaré Alexandre Rassaërt, Président du Conseil départemental de l'Eure et initiateur de l'événement, donnant ainsi le ton d'une journée riche en discussions substantielles.
Des souverainetés à la croisée des chemins
Les sessions matinales ont abordé l'équilibre délicat entre souveraineté alimentaire et énergétique. Olivier Dauger, co-Président de France Gaz Renouvelables, a souligné que "l'agriculture est victime, cause et solution du climat", mettant en évidence la position unique du secteur face aux défis environnementaux.
Frédérik Jobert, du Secrétariat général à la Planification Écologique, a présenté des données éclairantes montrant que si la France produit plus qu'elle ne consomme en céréales, elle reste dépendante des importations pour les protéines végétales et la volaille — illustrant la complexité de la souveraineté alimentaire au-delà des simples métriques de production.
"La confrontation entre souveraineté alimentaire et énergétique n'est pas inévitable, mais nous avons besoin d'une direction claire", a noté Kristell Guizouarn, Directrice des Affaires Publiques du Groupe Tereos, abordant la tension entre l'utilisation des terres pour l'alimentation ou l'énergie.
Les grandes histoires sont pour tout le monde, même lorsqu'elles ne sont écrites que pour une seule personne. Si vous essayez d'écrire en pensant à un public large et général, votre histoire sonnera fausse et manquera d'émotion. Personne ne sera intéressé. Ecrire pour une personne en particulier signifie que si c'est authentique pour l'un, c'est authentique pour le reste.
L'acceptabilité locale : le facteur humain
Un panel particulièrement engageant a exploré les défis de l'acceptabilité locale des projets d'énergie verte. Christophe Rousseau et Antoine Chedru, deux agriculteurs ayant implanté des méthaniseurs sur leurs exploitations, ont partagé des expériences franches sur la résistance du voisinage.
"Même quand votre projet a du sens pour le territoire, cela n'empêche pas les problèmes d'acceptabilité sociale", a expliqué Christophe Rousseau, décrivant comment, malgré une planification minutieuse, l'opposition communautaire a tout de même émergé.
Léa Sévère, consultante et lauréate du prix Demeter pour ses recherches sur les projets de méthanisation, a suggéré un changement de paradigme : "En 2024, les personnes attendent plus que l'acceptabilité — elles veulent comprendre, s'approprier et participer aux projets."
L'après-midi a présenté une analyse perspicace de Nathalie Rastoin, experte en communication, qui a conseillé : "Prenez plus de temps en amont pour en perdre moins en aval", soulignant l'importance d'un engagement communautaire précoce avant le développement du projet.
Fondement philosophique
Le romancier et philosophe Gaspard Koenig a apporté une profondeur intellectuelle avec sa méditation sur la santé des sols, soutenant que "la transition vers l'agroécologie n'est pas synonyme de retour au passé, mais plutôt de marche vers le progrès." Son intervention a relié la santé physique du sol à des questions philosophiques plus larges sur la civilisation humaine et la durabilité.
L'innovation comme pierre angulaire
La dernière session a présenté des innovations agricoles allant des solutions biotechnologiques aux plateformes de crédits carbone. Alain Thibault, fondateur d'Agriodor, a présenté sa technologie révolutionnaire utilisant les signaux olfactifs des insectes pour protéger les cultures sans pesticides, tandis que Dominique Moreau-Ferellec a expliqué comment la plateforme Carbioz connecte les agriculteurs avec des entreprises cherchant à réduire leur impact climatique.
Jules Nyssen, Président du Syndicat des Énergies Renouvelables, a cadré la discussion : "Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, nous devons forcer une transition énergétique plutôt que simplement découvrir de nouvelles sources à ajouter aux existantes."
Le défi de l'image de l'agriculture
Dans ses remarques de clôture, Sébastien Windsor, Président des Chambres d'agriculture France, a livré une analyse poignante de la relation de l'agriculture avec la société au sens large, comparant les agriculteurs à un frère aîné qui a nourri la famille pendant des générations mais se sent maintenant incompris par des frères et sœurs plus jeunes qui ont oublié cette contribution.
"91% des citoyens français soutenaient les agriculteurs pendant les manifestations, mais ils continuent d'acheter des produits importés et des aliments moins chers", a observé Sébastien Windsor, soulignant la contradiction entre le soutien exprimé et le comportement des consommateurs.
Perspectives d'avenir
FERTILES semble avoir trouvé un écho auprès de son public cible. Alexandre Rassaërt a annoncé en conclusion que l'événement reviendrait le 25 septembre 2025, continuant comme un rassemblement annuel avec différents thèmes chaque année.
"Au-delà d'un événement et d'un réseau, nous concevons Fertiles comme une famille", a déclaré Alexandre Rassaërt, invitant les participants à faire passer le mot et à aider à développer cette initiative qui présente l'agriculture non pas comme un problème mais comme un terrain fertile pour les solutions.
Dans un paysage médiatique souvent dominé par les conflits et la polarisation, FERTILES a offert quelque chose de de plus en plus rare : un espace de réflexion mesurée où l'agriculture et les préoccupations environnementales pouvaient être discutées de manière constructive, avec un accent sur les solutions pratiques déjà émergentes des champs de France.