Son intervention, entre philosophie et bon sens, a marqué la première édition de FERTILES dont il était le grand témoin. Auteur de Humus, Gaspard Koenig était de retour sur les traces de ses racines familiales agricoles dans l'Eure pour défendre l'agroécologie. Loin d'être un retour en arrière, cette logique de production agricole en devient, plaide-t-il, "l'horizon de la modernité et de la science".
Le sol, capital oublié de nos calculs économiques
Pour Gaspard Koenig, notre erreur fondamentale réside dans l'oubli du sol comme capital productif. "Les services écosystémiques rendus chaque année par la nature à l'humanité sont de 125 000 milliards de dollars soit 1,6 fois le PIB mondial", rappelle-t-il.
Cette négligence a un coût considérable, selon le philosophe : "60 % des sols européens sont dégradés" avec "une biomasse qui a diminué en moyenne de 80 %. Si vous dégradez votre capital, même si vous augmentez vos revenus, en pur terme économique votre productivité diminue", martèle-t-il.
L'eau, symptôme de cette dégradation
Les conséquences de cette dégradation des sols se lisent dans nos ressources en eau. "Il n'y a plus d'eau naturellement potable en France", alerte Gaspard Koenig. Même les sources les plus profondes portent désormais "des résidus essentiellement agricoles", obligeant à des traitements coûteux par osmose inversée. À l'inverse, "une eau qui tombe sur un sol sain n'a besoin que d'un peu de chlore et est directement consommable".
L'innovation agroécologique, une révolution en marche
Face à ces défis, l'agroécologie offre des solutions concrètes fondées sur la recherche la plus avancée, observe Koenig. "Sur le site de l'INRAE, vous ne voyez que cela : les expérimentations en agroécologie", souligne-t-il. Cette approche conjugue réduction des intrants et optimisation des écosystèmes naturels.
Cette révolution dépasse les frontières françaises : l'État indien de l'Andhra Pradesh ou la Corée du Sud "font aujourd'hui leur révolution agroécologique de manière totale". Une dynamique mondiale que l'Europe doit embrasser si elle veut demeurer compétitive.
Un projet politique de société
La transition agroécologique nécessite selon Koenig "toute une panoplie de politiques publiques" : transformation des subventions de la PAC, couverture du risque et des aléas climatiques, barrières tarifaires équitables, formation adaptée. "C'est un projet de société qui dépasse considérablement le monde agricole", conclut le philosophe
Humus, la fresque verte de Gaspard Koenig
Arthur, héritier normand idéaliste, rêve de régénérer les terres de sa famille ravagées par les pesticides, grâce aux vers de terre. En parallèle, Kevin, boursier et fils de paysan, fonde une start-up de vermicompostage qui rencontre un large succès, incarnant le "capitalisme vert". Mais leurs amitiés et idéaux s’effritent : Arthur s’isole dans l’échec rural, Kevin se perd dans la démesure entrepreneuriale.
Roman grinçant, Humus, aux éditions de l'Observatoire, dissèque la fracture entre utopie écologique, lutte de classes et désillusion, avec une ironie mordante qui éclaire l’impuissance d’une génération désireuse de révolte mais rattrapée par la réalité. Acclamé par la critique, il a reçu le Prix Interallié, le Prix Jean Giono, le Prix Transfuge du meilleur roman français 2023, et s’est hissé parmi les finalistes du Goncourt 2023.