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Lin, climat et décarbonation : la filière à un tournant stratégique ?

La Linière du Ressault, récemment inaugurée dans l’Eure, accueillera en 2025 l’événement FERTILES. L’occasion de mettre en lumière les défis et mutations de la filière lin normande, entre excellence territoriale, transformation locale et pression climatique.
21 juillet 2025 par
Département de l'Eure

Le lin est une plante remarquable, peu gourmande en eau et adaptée à l’alternance pluie/soleil du climat normand. Mais ce fragile équilibre est menacé. La filière lin – dont 60 % de la surface nationale est concentrée en Normandie – voit sa résilience testée par des épisodes climatiques extrêmes : sécheresses printanières, pics de chaleur précoces...


« Aujourd’hui, les températures dépassent parfois les 20 °C dès le mois de mars. Des pics à 30 °C sont fréquents. Le lin n’aime pas ça. Il devient plus court, plus fragile, moins qualitatif », alerte Jean-Louis Maurice, PDG de la Linière du Ressault. Pour s’adapter, les agriculteurs s’orientent vers le lin d’hiver, semé à l’automne pour profiter des pluies hivernales. Mais cette alternative reste risquée : « S’il gèle fort sans neige durant plusieurs jours, on peut perdre toute la parcelle. On ne peut pas tout miser dessus. Le lin est une culture à haut risque. En moyenne, un agriculteur exploite en lin seulement 10 % de sa surface agricole. »

Focus et chiffres clé sur la production de lin dans l'Eure


Une dynamique territoriale à préserver

Lin eurois en cours de rouissage - juillet 2025


L’Eure, deuxième département linier de France, a vu ses surfaces doubler en 20 ans. Le lin représentait déjà 10,2 % du chiffre d'affaires agricole eurois en 2017. Pour ce territoire, le lin est plus qu’une culture : un pilier économique, un marqueur d’identité, un facteur d’emploi rural. L’enjeu pour les années à venir ? Sécuriser la culture malgré le changement climatique, relocaliser la transformation pour réduire l’empreinte carbone, et valoriser le lin comme fibre du futur.

La relocalisation comme levier de décarbonation


Si la France est premier producteur mondial de lin textile, la fibre reste majoritairement exportée à l’état brut vers la Chine, les États-Unis ou d’autres destinations asiatiques. Résultat : 95 % du lin européen quitte le continent sans être transformé, compromettant fortement son potentiel bas carbone.


La nouvelle Linière du Ressault, 4000 m² situés au cœur du plateau du Neubourg, possèdera, d’ici cette automne, deux lignes de teillage et une de peignage. « L’un des projets d’amélioration est d’avoir une finisseuse pour obtenir une fibre courte de meilleure qualité », annonce Jean-Louis Maurice, particulièrement fier de cette nouvelle usine qui poursuit l’Histoire de la Linière du Ressault, entamée en 1919. « J’ai d’autres projets mais c’est trop tôt pour en parler. »


Une culture exigeante face à un marché limité


Le paradoxe du lin est là : malgré ses qualités écologiques et la progression de la demande, il ne représente que 1 % du marché textile mondial. « On est passés de 0,3 à 0,5 % en cinq ans. C’est peu, mais c’est énorme à l’échelle mondiale », s’enthousiasme Jean-Louis Maurice, confiant pour l’avenir du lin.


Les jeunes générations, sensibles à la mode éthique, redécouvrent cette fibre naturelle. En Chine, historiquement réticente au lin pour des raisons culturelles, la demande explose dans les zones urbaines. Mais l’écart entre production croissante (200 000 ha en Europe de l’Ouest) et demande modérée demeure. D’où l’importance de maintenir la qualité des filasses, malgré des conditions de culture plus chaotiques. « La qualité baisse si les lins sont trop courts. Il faut s’adapter tout en préservant la technicité du produit final. »  La filière lin a tous les atouts pour réussir sa transition : une matière première propre, un savoir-faire reconnu, des territoires engagés. Mais cette mutation ne peut reposer uniquement sur les épaules des producteurs. Il reste à bâtir, pas à pas, un écosystème industriel cohérent, sobre et durable.


Linière du Ressault au Neubourg


Une usine pensée pour l’humain​


« Je voulais une usine belle, accueillante, où l’on a envie de venir travailler. Lumière naturelle, vestiaires spacieux et modernes, douches, espaces de pause, système d’aspiration des poussières… Et ça change tout ! Les salariés sont dans de bonnes conditions pour travailler », se félicite Jean-Louis Maurice, PDG de la Linière du Ressault.


En quelques mois, 15 emplois ont été créés, avec un objectif de 50 salariés à l’automne, tous issus du territoire proche, dans un rayon de 5 kilomètres. Une démarche RH cohérente avec l’ambition environnementale : limiter les trajets, ancrer l’emploi local, valoriser les savoir-faire.


PDG liniere ressault

Jean-Louis Maurice


En savoir plus


FERTILES 2025 : une plateforme pour des solutions

L’événement FERTILES, qui se tiendra à la Linière du Ressault le 25 septembre, posera la question centrale : « Comment produire durablement, de manière équitable pour l’agriculteur et pour la planète ? » Relocalisation, décarbonation, nouveaux modèles économiques agricoles : toutes les pistes seront discutées. Une opportunité rare de faire dialoguer filière textile, agriculteurs, chercheurs et politiques dans un même lieu ancré dans les réalités du terrain.


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