"En France en 2024, nous avons des signes alarmants avec un solde positif qui a été diminué par deux en 2023 et qui n'est resté positif que grâce aux vins et spiritueux", alertait Emmanuelle Bour-Poitrinal lors de FERTILES.
Un rapport gouvernemental sur la souveraineté alimentaire publié en mars 2024 révèle en effet un paradoxe : bien que première surface agricole d'Europe, avec un potentiel nourricier estimé à 130% de sa population, la France importe près de 80% de ses engrais et consacre près de la moitié de ses terres à l'exportation, tout en important massivement des denrées de base comme les fruits, légumes, volailles et même… du beurre !
Des filières de transformation à reconstruire
"La France est exportatrice de produits bruts mais importatrice de produits transformés", résume le rapport. Frédérik Jobert l'illustrait clairement à FERTILES : "Nous exportons énormément de bovins vivants et nous importons aujourd'hui plus de viande bovine que nous n'en consommons." Un exemple parlant : la part de viande hachée importée atteint désormais 50% de la consommation totale sur le territoire.
Le renouvellement générationnel en péril
Le déclin du nombre d'exploitations est préoccupant : -100 000 en 10 ans (-20%). Si les surfaces sont préservées grâce à l'agrandissement des exploitations restantes, le taux d'agriculteurs de moins de 40 ans diminue fortement. Dans plusieurs filières d'élevage, le revenu disponible pour les jeunes agriculteurs reste inférieur au SMIC.
L'adaptation au changement climatique
Sébastien Windsor soulignait à FERTILES que "le dérèglement climatique accentue cette difficulté à nourrir nos populations" avec des rendements "de plus en plus soumis aux aléas climatiques". L'année 2022, considérée comme représentative du climat futur, a montré des baisses de rendement notables : - 20% pour le soja et le maïs non irrigué.
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La concurrence des usages des terres
"La transition écologique a besoin de biomasse", rappelait Frédérik Jobert lors de FERTILES. Pour atteindre nos objectifs climatiques, nous aurons besoin de trois fois plus de biocombustibles et de biocarburants, et quatre fois plus de biogaz d'ici 2030, créant un "déficit de 20 millions de tonnes de biomasse".
Face à ces défis, l'événement FERTILES a permis de dégager plusieurs pistes d'action :
- Rééquilibrer notre politique commerciale : "Il faut que nous ayons les moyens de nos ambitions", plaidait Olivier Dauger à FERTILES, en appelant à mieux se protéger des importations ne respectant pas nos standards.
- Investir dans l'innovation agroécologique et adapter les assolements, les cultures d'hiver résistant mieux au changement climatique.
- Développer les synergies entre productions alimentaires et énergétiques : "Nous ne pouvons pas faire cette transition sans le monde agricole", affirmait Jérôme Mousset de l'ADEME à FERTILES, rappelant que "plus de 50 000 agriculteurs étaient producteurs d'énergie" générant "des recettes de l'ordre de 1,4 milliard d'euros".
- Renforcer l'attractivité du métier d'agriculteur en refondant les modèles économiques.
Adopter une vision élargie de la souveraineté, comme le concluait Emmanuelle Bour-Poitrinal à FERTILES : "La souveraineté, ce n'est ni l'autosuffisance ni l'isolationnisme, mais simplement le fait que le pays puisse garder son libre arbitre quant à son avenir".